Vous avez peut-être ressenti des secousses pendant un vol. Mais saviez-vous que le dérèglement climatique pourrait bien rendre ces turbulences en avion plus fréquentes et plus violentes ? On fait le point sur cette réalité aérienne qui agite autant les cabines que les débats scientifiques.
Des secousses qui secouent aussi les certitudes
Les turbulences en avion, ces secousses parfois impressionnantes qui nous clouent au siège, font partie du quotidien du transport aérien. Généralement bénignes, elles peuvent néanmoins causer des blessures, comme ce fut le cas récemment sur un vol d’Alaska Airlines où plusieurs membres de l’équipage ont été hospitalisés après un épisode de turbulences sévères. Mais au-delà des faits divers, une question de fond inquiète : avec le dérèglement climatique, ces turbulences vont-elles empirer ?
Qu’est-ce qu’une turbulence, exactement ?

Selon Isabel Smith, chercheuse à University of Reading, la turbulence est « le mouvement chaotique de l’air provoqué par le cisaillement des vents ou l’élévation de l’air au-dessus des montagnes« . L’atmosphère agit comme un immense fluide, avec des flux qui se croisent, se brisent et créent des tourbillons. Lorsque l’avion traverse ces zones instables, il est secoué dans tous les sens. Les turbulences peuvent être légères (un peu comme une route cabossée) ou, plus rarement, sévères, voire extrêmes, où même le contrôle de l’appareil devient brièvement impossible.
Le dérèglement climatique, un facteur aggravant
Et c’est là que le changement climatique entre en jeu. La cause ? Le réchauffement rapide de la troposphère, la couche de l’atmosphère la plus proche du sol, combiné au refroidissement de la stratosphère au-dessus. Ce contraste thermique vertical crée des instabilités dans le courant-jet — ce puissant fleuve d’air qui serpente autour de la planète à haute altitude. Résultat : une augmentation des cas de turbulences dites “en air clair” (CAT), impossibles à détecter par les radars classiques, car elles ne sont pas associées à des nuages ou orages visibles.
Smith affirme sans détour : “Oui, les turbulences augmentent avec le changement climatique.” Une mauvaise nouvelle pour les passagers, mais surtout pour les compagnies aériennes, qui doivent adapter leurs plans de vol pour éviter ces zones à risque.
Plus de turbulence, plus de CO2 : un cercle vicieux ?
Pour contourner les turbulences, les avions allongent parfois leur itinéraire. Conséquence directe : des trajets plus longs, plus de carburant consommé, et donc plus d’émissions de CO2. Un paradoxe cruel pour une industrie déjà sous pression écologique. D’après les études citées, éviter les turbulences coûterait à l’aviation mondiale jusqu’à 2,2 millions de dollars par an, et générerait 70 millions de kilos supplémentaires de CO2. Un cercle vicieux dans lequel le climat dérègle l’aérien, qui en retour aggrave le climat.
Quel avenir pour les vols en toute tranquillité ?
Les compagnies ne restent pas les bras croisés. Elles misent sur l’amélioration des prévisions de turbulences (avec des taux d’efficacité déjà estimés entre 70 et 80 %) et testent de nouvelles technologies, comme le LIDAR, un système capable de détecter les turbulences invisibles. Mais ce dispositif reste aujourd’hui coûteux et peu déployé.
En attendant, la meilleure arme reste la ceinture de sécurité. Même par ciel bleu, il est recommandé de la garder attachée pendant tout le vol. Les turbulences en air clair étant imprévisibles, mieux vaut prévenir que guérir.
